«Lorsque nous avons constaté que le navire coulait, avec mes amis, nous avons eu le courage et compris qu’il était temps de nous démarquer et de prendre le large».
Nous sommes en 1991, une année après l’ouverture démocratique décrétée par le Maréchal Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu Wazabanga. Ces propos sont tenus par Kengo wa Dondo au cours d’un meeting populaire à Kinshasa. L’homme de la rigueur justifie ainsi la création de l’Union des démocrates indépendants (UDI), le parti politique dont il était, comme on le dirait aujourd’hui, «l’autorité morale» même si, pour la forme, il en avait confié la direction à un certain Thambwe Mwamba, le tout puissant PDG de l’Ofida (aujourd’hui DGDA) sous le règne du MPR, Part-Etat.
La métaphore de l’ancien Premier commissaire d’Etat de Mobutu était claire : Kengo et ses «amis» avaient refusé de couler avec le MPR et son président-fondateur en créant leur propre parti politique. Un parti qui avait très vite rejoint l’opposition à la tête de laquelle trônait l’UDPS, et qui, deux ans plus tard (1993) et avec l’appui d’un autre «ami», Mgr Monsengwo alors président du HCR-PT (Haut conseil de la République-Parlement de transition), parvint, au sein de cette opposition, à damer le pion à l’Union pour la démocratique et le progrès social pour récupérer la primature que la Conférence nationale souveraine avait souverainement confiée à l’issue d’un vote au sphinx de Limete, Etienne Tshisekedi.
L’on se rappellera cette célèbre formule, «Ni Birindua, ni Tshisekedi», du prélat président du HCR-PT. Rappel aussi de ce débat politique choc sur la chaine nationale qui opposât le patriarche Cléophas Kamitatu du PDSC d’Ileo à Marco Banguli, l’un des hommes forts du clan Kengo. Le leader teke humbu déclara au cours de ce débat que l’ascension de l’UDI a été le résultat de leur «habileté» politique.
Fermons cette parenthèse de l’une des périodes mouvementées de la vie politique de la RDC pour affirmer que le courage politique dont avaient fait montre Kengo et ses amis pour jouir de leur indépendance vis-à-vis du maître qu’était Mobutu, leur avait permis effectivement de ne pas couler avec ce dernier et son parti en agonie.
Ils n’avaient pas eu tord. Ce courage permit à la plupart des membres du clan de gérer leur survie politique collective et individuelle pendant la longue transition sous Mobutu; et même plus tard, cette fois chacun de son côté, se repositionner dans la durée jusqu’à l’ère Kabila fils à l’image notamment de Kengo, Banguli et Thambwe Mwamba.
Toutes choses restant égales par ailleurs, même si le contexte est peut-être différent, le bateau PPRD (Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie) après le régime de l’ancien Raïs, n’est pas loin du naufrage comme le fut le MPR, Part-Etat au lendemain de la démocratisation de l’ex-Zaïre.
En effet, après avoir tenté par tous les moyens de garder sous son contrôle les leviers du pouvoir d’Etat après la débâcle électorale de la présidence de décembre 2018, le PPRD est aujourd’hui l’ombre de lui-même. Grâce à son «habileté politique et diplomatique», dirait-on aussi, le successeur de Joseph Kabila sans doute sous-estimé par ses adversaires s’est révélé plutôt fin stratège. Lentement et méthodiquement, il a réussi à mettre la barre très haut et à vider de sa substance ce qu’était la ceinture politique du pouvoir PPRD qu’était le FCC (Front commun pour le Congo). Et plus tard, le successeur a fait carton plein de légitimité à l’issue des élections générales du processus suivant (décembre 2023) que l’ancien président et sa famille politique avaient boycotté. L’erreur fatale.
Pire, aujourd’hui, il se trouve que l’ancien homme fort de Kinga Kati vient d’être dépouillé de ses immunités par la chambre haute. C’est donc probablement le début du chemin de la croix avec des ennuis judicaires, avec au bout du parcours, une mort politique presque certaine, même si on se garde toujours de ne jamais enterre un acteur politique tant qu’il n’aura pas rendu son dernier souffle. Le processus est même déjà enclenché par le vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur qui a saisi les instances judiciaires à cet effet.
En fait, le sort du PPRD et celui de son « Autorité morale » sont intimément liés.
Alors, tous les autres hauts-cadres de ce parti qui ont peut-être une carrière politique, congolais « pur jus » comme le dirait le célèbre journaliste de l’OZRT Kwebe Kimpele, ne peuvent-ils pas prendre leur courage de deux mains, pour se frayer un autre chemin? Emmanuel Ramazani Shadary, Aubin Minaku, Ferdinand Kambere et d’autres têtes pensantes des cercles de l’ancien président sont-ils condamnés à accompagner ce dernier jusque dans sa tombe ? N’est-ce pas le moment, à l’instar de Kengo, Thambwe Mwamba et autres, face au déclin du MPR et son chef, de prendre distance de Joseph Kabila pour se repositionner et assumer, comme des «grands garçons», leur propre avenir politique ?
Tant pis, si telle n’est pas leur vision.
Quand la barque coule, le bon sens voudrait qu’on la quitte. C’est le sauve peut peut, avant qu’il ne soit trop tard. Au PPRD, qui peut plonger le premier et avec qui?
GAF