En 2010, alors que le processus électoral de 2011 était déjà en branle dans un contexte politique, sécuritaire et humanitaire toujours délétère, Kinshasa accueillit en mai de cette année-là, une réunion du Groupe de Sages de l’Union africaine (UA). Au menu des travaux, l’évaluation de la situation politique et sécuritaire dans différentes sous-régions du continent, notamment la sous-région des Grands-Lacs avec au centre le cas de la RDC. Un mois avant la tenue de ce forum, de Bruxelles, le Dr. Emery Jibi Ngoyi, président du Parti socialiste africain (PSA) et deux fois ministre sous Mobutu (ministre PTT sous le gouvernement Nguz et ministre du Commerce extérieur sous celui de Kengo III) exprima sa colère. D’après lui, cette rencontre des « Sages » d’Afrique était en réalité une énième « messe noire » comme il y en a eu par le passé, surtout concernant son pays, le Congo ex-Zaïre, où ce qui se boutiquait, n’avait rien à avoir avec les intérêts des Congolais. Un cri de révolte dont les termes, comme on va le découvrir dans son message qu’il avait lancé, restent d’actualité 13 ans plus tard.
Ci-dessous le message du Dr Jibi Ngoyi
Depuis la table ronde de Bruxelles en 1960 en passant par la signature de l’Accord de Lusaka, les rencontres de Gaborone, de Bruxelles, d’Addis-Abeba, de Sun City et de Pretoria, les intérêts légitimes du peuple congolais n’ont jamais été défendus. Au contraire, ils ont été hypothéqués au bénéfice des intérêts étrangers.
A la table ronde de Bruxelles, à la veille de l’indépendance, celle-ci a été médiocrement négociée par une classe politique immature et sans expérience qui s’est contentée de danser au rythme d’indépendance chacha tozwi yo, sans accorder aucun intérêt sur le volet économique et financier, notamment sur le budget de la colonie déjà voté par le Parlement belge et dont le montant de cinq milliards de francs belges de l’époque avaient déjà été décaissés auprès de la Banque nationale de la Belgique où ils croupissent jusqu’à ce jour.
Ce dossier, tout comme celui des Sociétés à Charte, constitue ce qui est communément nommé Contentieux belgo-congolais. Ces sociétés à Charte, telles Union minière du Katanga, Ateliers électriques de Charleroi (ACEC), Kilo Moto, Cotonco, Unilever, BCK, Chemins de fer et toutes les sociétés ayant leur siège social au Congo ont vite fait de transférer leurs avoirs en Belgique sans devoir payer leurs charges et leurs impôts au Congo.
L’opinion publique se souviendra du retour triomphal de Bruxelles en 1964 du Premier ministre Moïse Tshombe, brandissant une mallette diplomatique censée offerte en cadeau par le Premier ministre belge et censée contenir l’indépendance économique dont on n’a jamais vu la couleur ni senti l’odeur.
La guerre d’agression dont le Zaïre a été victime en septembre 1996 et en août 1998 a vu nombre de pays africains du côté de nos agresseurs. Contrairement à la victoire éclair de 1996, la guerre de 1998 s’enlisa et ne connut ni vainqueur ni vaincu. C’est alors que naquit l’idée du partage du pouvoir entre belligérants à travers l’Accord de Lusaka dont le couronnement honteux a été Sun City après avoir fait courir la classe politique et la Société civile à Gaborone, Addis-Abeba, Bruxelles, tentative ratée pour Libreville deux mois avant l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila, Sun City ainsi que la tentative d’hold-up de l’hôtel Cascade où Jean-Pierre Bemba avait accepté de devenir Premier ministre de Joseph Kabila en dehors des consultations officielles.
Enfin, l’accord bidon signé le 17 décembre 2002 à Pretoria qui consacra l’unification de fait des entités sous contrôle de belligérants et surtout, une prime à la guerre avec l’entrée des étrangers dans nos institutions et le partage du gâteau à tous les participants. Maintenant, on voudra refaire le même coup avec une invitation à aller à Addis-Abeba à l’initiative d’une obscure Organisation de paix, soi-disant sous les auspices de l’UA.
Qu’a fait l’UA devant 8 millions de morts en RDC et tous nos malheurs depuis 1996 ? Le Zaire-Congo est-il une terre d’expérimentation de la science politique comme la fameuse formule de 1+4 de triste mémoire et l’accaparement des institutions souveraines par des étrangers et des hommes sans compétence ni foi ? Qui finance ces voyages, et dans quels buts ? Pourquoi et pourquoi sont organisées ces messes noires ?
Nous sommes capables de trouver des solutions à nos problèmes comme à la CNS (Conférence nationale souveraine), rencontre du Palais de Marbre 1 et 2, Nsele 1 et 2, Ionda, Palais de la Nation, Palais du peuple.
Enfin, j’apprends qu’une délégation de Sages africains est aussi attendue le mois prochain à Kinshasa en vue du processus électoral. Je ne vois pas de sages en Afrique quand il s’est agi de la Côte d’Ivoire, de la Tunisie, de l’Egypte, de la Libye, où de la famine dans la Corne de l’Afrique.
Je suis révolté.
Dr. Jibi Ngoyi