Armée : un message clair à Paul Kagamé

(Une chronique de Jean Kenge Mukengeshayi)

La question qui se pose en ce début de semaine aux observateurs est d’arriver à décrypter les tenants et les aboutissants de la dernière mise en place opérée dans l’armée par le Président de la République, Chef de l’Etat.

Au-delà des identités et des CV des uns ou des autres, l’aspect qui se détache clairement est que les changements opérés s’inscrivent dans le cadre global d’une double stratégie, militaire et géostratégique, traduite dans la volonté du Président congolais de redessiner durablement et profondément la géopolitique de la crise qui secoue les grands lacs et particulièrement l’est de la RDC.

La principale observation à noter est que l’effet corridor de Lobito n’a pas encore fini de reproduire ses échos. Il se présente même comme un véritable point de bascule de la géopolitique régionale, dont l’effet domino va continuer de se prolonger au-delà des annonces.

Le véritable soubassement de la démarche, c’est en effet l’adhésion de l’Angola et de la Zambie au principe martelé par le Président Félix Antoine Tshisekedi devant l’Américain Joe Biden, principe selon lequel le corridor serait un projet mort-né sans la participation de la RD Congo.

Mais aussi et surtout que cette participation ne tiendrait pas la route sans la paix et la stabilité dans ce pays continent au cœur de l’Afrique, par ailleurs principal réservoir des matières premières stratégiques derrière lesquelles ne cessent de courir les grandes puissances et au nom desquelles ces grandes puissances soutiennent les manœuvres de déstabilisation entreprises pour leur profit par les voisins de la RDC.

Cette dimension explique pour l’essentiel les récentes opérations entreprises par les services de sécurité congolais sur le territoire zambien, mais aussi le déploiement en cours de plusieurs brigades dans le Katanga pour mettre hors d’état de nuire les milices Bakata-Katanga et les infiltrés M23-RDF.

Depuis le week-end dernier, une autre dimension, plus feutrée mais très diplomatique, devrait s’ajouter à cette analyse avec un accent sur la part de la République du Congo-Brazzaville sur cet échiquier qui se met, pièce par pièce, en place, un peu sur le modèle du deal qui a été récemment offert à l’Ouganda avec la route Kampala-Kasindi-Goma.

Le retard mis dans le démarrage du Corridor intérieur avec comme aboutissement le port en eaux profondes de Banana devrait ainsi être compensé – c’est un doux euphémisme – par le retour des discussions relatives au pont route-rail Brazzaville-Kinshasa en faveur du corridor de Pointe Noire.

Une perspective qui devrait enchanter la France de Bolloré et par conséquent Denis Sassou Nguesso qui en est le chantre patenté. Brazzaville qui avait récemment juré par tous les grands dieux de l’Afrique Centrale que son pays ne servirait jamais de base-arrière pour attaquer la RDC n’éprouverait en échange aucun scrupule à décréter le retour à Kigali des phalanges de faux agriculteurs rwandais qui se sont installés dans le pool.

Entre états, il n’y a que les intérêts qui comptent et non les beaux yeux des Rwandais, s’ils en ont ! Cette démarche devrait se consolider par les dernières mises en place opérées dans l’armée, allant dans le double sens du durcissement et d’une offensive généralisée sur tous les fronts.

Consolidation et durcissement : un Katangais version «hard», Jules Banza Muilambwe, remplace Christian Tshiwewe comme chef d’état-major général des Fardc. En deuxième lieu, la force terrestre reprend ses lettres de noblesse de mère des armées, ce qui traduit une volonté manifeste d’engager l’infanterie, les chars, les blindés et les forces spéciales à la reconquête des frontières territoriales dans la partie est de la RDC sous la conduite du général Ndaywel.

Enfin et surtout, le retour assumé du général Masunzu à la tête de la 3ème zone de défense est un message fort lancé à Paul Kagamé qui ne s’y est pas trompé et a aussitôt réagi. Les deux hommes se connaissent et ont quelques pommes à peler.

Le retour au goût du jour du processus de Nairobi ne sera donc pas une sinécure pour Kigali. Sous le leadership du Président Uhuru Kenyatta, le seul format envisageable n’est pas une prime au M23, mais une discussion globale avec tous les groupes armés pour en finir une fois pour toutes.

La dernière résolution reconfigurant le mandat de la Monusco le dit et la sous-secrétaire américaine en charge des affaires africaines l’a réitéré. C’est aussi la position de la RDC par le biais de sa ministre d’état en charge des Affaires Etrangères, madame Thérèse Kayikwamba Wagner. Durcissement et offensive généralisée au plan diplomatique également. La guerre que veut le Rwanda est en train de changer de visage.

 

Tiré de l’ACP

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